Valeur ajoutée de la Policlinique Mobile comme solution innovante et pertinente
Ce plaidoyer a été construit en collaboration avec un groupe d’experts pluridisciplinaires :
- Maître Claude Evin, Avocat, ancien Ministre de la Santé (1988-1991).
- Professeur Jean-Jacques Zambrowski, Médecin et Président de la Société Française de Santé Digitale (SFSD).
- Madame Virginie Schlier, Infirmière et Présidente du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) & Monsieur Jérôme Malfaisan, Infirmier et membre du SNPI.
- Monsieur Stéphane Buzon, Directeur d’établissement d’EHPAD dans la région Grand-Est.
- Monsieur Stéphane Le Bouler, Président du Think Tank Lisa (Laboratoire d'Idées Santé Autonomie).
- Docteur Odile Reynaud-Lévy, Présidente de l’association nationale des médecins coordonnateurs (MCOOR) & Docteur Gael Durel, Docteur Stephan Meyer, Docteur Frederic Wone, Docteur Catherine Bayle, médecins coordonnateurs et membres du MCOOR.
Edito
Fragilisé par la situation sanitaire et l’épidémie de COVID, par les dérives de certains établissements révélés par la publication du livre Les Fossoyeurs en 2022, par la crise des vocations du personnel soignant, le modèle français d’Établissements d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) est en proie à de multiples difficultés. Sa refondation, plus qu’un enjeu politique, économique ou sanitaire, est un défi sociétal, indicateur majeur de la façon dont nos sociétés considèrent la perte d’autonomie.
Face à cette situation, les enjeux sont multiples et considérables. Parmi eux, l’accès à la santé et aux soins de qualité pour les résidents, que de nombreux rapports publics et parties prenantes du système de santé ont pointé ces derniers mois. Les constats et propositions présentés dans ce document s’inscrivent dans un contexte d’attention particulière des pouvoirs publics et de la société au sujet de l’amélioration des conditions de vie en EHPAD, et de la lutte contre les inégalités d’accès aux soins.
Il vise à présenter un modèle organisationnel et économique innovant : le projet de Policlinique Mobile, actuellement expérimenté à travers un cadre d’exception dit « Article 51 », et à proposer des modalités permettant une transposition dans un cadre pertinent, ouvrant ce modèle structuré à tout offreur de soins souhaitant se l’approprier au bénéfice des organisations et des personnes.
La première partie de ce document illustre les problèmes d’accès aux soins et à la prévention en EHPAD. La deuxième partie présente le projet de Policlinique Mobile et la façon dont il apporte une valeur ajoutée au service des résidents en EHPAD, et aux équipes de professionnels. La dernière partie développe quelques propositions pour pérenniser et étendre ce modèle expérimental innovant.
I. L’EHPAD « premier désert médical de France », est un modèle sous tension qui présente des problèmes majeurs d’accès aux soins curatifs et de prévention
- Un manque de professionnels de santé médicaux et paramédicaux :
- Les médecins traitants : acteurs clefs du suivi du patient, ils sont aujourd’hui moins présents que par le passé pour les résidents d’EHPAD. Alors que les dépenses correspondantes aux consultations de médecins traitants étaient comprises entre 30€ et 34€ par mois par résident entre 2014 et 2016, elles étaient de 27€ en 2017 et 24€ en 2018$^{i}$. Plus alarmant, dans certains EHPAD, près de 40% des résidents n’ont pas de médecin traitant$^{ii}$.
- Les infirmières : Le taux d’encadrement en EHPAD n’est que de 6 infirmiers pour 100 places$^{iii}$. En nombre insuffisant pour assurer l’ensemble des soins et la coordination des parcours, la filière infirmière en EHPAD est confrontée à une faible attractivité. 15 % du personnel a moins d’un an d’ancienneté, 44 % des établissements déclarent rencontrer des difficultés de recrutement, 63 % d’entre eux présentent des postes non pourvus depuis plus de six mois$^{iv}$.
- Les médecins coordonnateurs : En 2015, près de la moitié des EHPAD en France ne déclarait aucun équivalent temps plein (ETP) ou un nombre insuffisant d’ETP de médecins coordonnateurs en leur sein$^{v}$. Ils sont pourtant la pierre angulaire du projet de soins de l'établissement, de l'évaluation médicale d'entrée des résidents et de l'animation de l'équipe soignante.
- Dans ce contexte, l’essor de la télémédecine n’a pas profité au public du grand âge : fin septembre 2020, 71% des médecins avaient effectué une téléconsultation - mais moins de 3% des gériatres. Selon les dernières données de la DREES, 7 téléconsultations sur dix en 2021 étaient par ailleurs réalisées avec des patients résidant dans les grands pôles urbains$^{vi}$.
- Les carences de l’accès aux soins et aux services de spécialité
- L’EHPAD peut être considéré comme le « premier désert médical de France » en termes d’accès aux soins de spécialité. Les dépenses associées à ce poste s’élèvent à moins de 9€ par mois et par résident selon le dernier rapport de la Cour des comptes$^{vii}$.
- 40% des EHPAD n’ont pas accès à des accueils spécifiques, type unités Alzheimer, unités d’hébergement renforcé (UHR) ou pôles d’activités et de soins adaptés (PASA) mis en place dans certains programmes régionaux de santé$^{viii}$.