Pour rappel dans la population générale, les délais d’attente sont de 80 jours pour un rendez-vous chez un ophtalmologiste, 61 jours pour un dermatologue, 50 jours pour un cardiologue$^{i}$.
Dans ces établissements la couverture de soin augmente ; l’accès aux spécialités y est multiplié par quatre. On y consulte en gériatrie, en cardiologie, en dermatologie, en psychiatrie. On y fait des dépistage ORL, de sarcopénie ou en bucco-dentaire. Les impacts médicaux sont significatifs$^{ii}$ : une consultation sur deux a pour résultat une évolution du traitement médicamenteux sur recommandation du médecin. Une sur quatre implique des sollicitations de compétences paramédicales et de dispositifs d’appoint, une sur dix des préconisations aux équipes soignantes des EHPAD.
Dans ces établissements, le lien avec les médecins est rétabli ; 80% des médecins traitants se déclarent bien informés$^{iii}$. 77% des médecins coordonnateurs apprécient de disposer de bilans complets et actualisés. Plus de la moitié des personnels interrogés déclarent ressentir une baisse de leur charge de travail ainsi qu’une charge mentale moindre. 94% voient une amélioration de la qualité du temps qu’ils accordent aux résidents. Et logiquement, 6 proches de résidents sur 10 expriment un ressenti favorable.
La coopération entre professionnels du territoire et le travail en équipe de soin coordonnée y est travaillée tous les jours. On y fait plus (de soin) avec moins (de temps médical). La collaboration entre personnels des établissements, les médecins et les professions paramédicales, notamment les infirmiers et les infirmières, y est structurée dans un cadre adapté. La porte s’y entrouvre à la décongestion organisée d’un système centré sur la pratique libérale isolée.
Enfin malgré tous ces ajustements, recommandations, adressages, la consommation moyenne de soin mesurée via le SNDS d’un patient de la Policlinique Mobile diminue de près de 19%. Elle passe de 4 929 € par résident par an au sein du groupe témoin à 3 981 € au sein du dispositif*.* On y constate notamment réduction significative des passages aux urgences non suivis d’une hospitalisation (-24%), et une économie de coûts de transports de près de 500€ par an et par résident$^{iv}$.
Depuis bientôt trois ans, ces établissements bénéficient d’une expérimentation Article 51, agréée par le Ministère des Solidarités et de la Santé, autorisée par le Directeur Général de l’ARS Grand Est, financée par l’Assurance Maladie, supervisée par les CPAM 57, 67 et 88 : la Policlinique Mobile TokTokDoc. Son évaluation rendra ses conclusions en octobre 2023.
<aside> 💡 Ce dispositif territorial inédit repose sur un modèle de télémédecine accompagnée. Il met à disposition des Ehpad 10 infirmiers et infirmières (IDE) mobiles spécialisés en télémédecine, déployés chacun sur 1 à 3 établissements, avec des files actives de 139 personnes en moyenne. Elles et ils organisent et réalisent des prises en charge au chevet des patients avec des spécialistes distants issus du territoire, dont les créneaux sont réservés pour cette activité (vacations).
</aside>
La Policlinique Mobile met aussi en place une structure support : chefferie de projet, secrétariat médical, formation, équipe technique, logiciel, matériel de diagnostic connecté… et propose un financement forfaitaire par capitation ainsi qu’un intéressement partagé à la performance pour les établissements et les médecins traitants. Ceux-ci, externes à l’organisation, jouent un rôle de coordination et de « garants » indépendant. Ils sont informés dès l’intégration de leurs patients. Ils surveillent les soins demandés ou effectués, peuvent demander à intégrer des téléconsultations de médecine générale destinées à son propre suivi.
La Policlinique Mobile est déployée auprès de 1370 patients sur 17 établissements autour de 3 bassins de santé : Forbach en Moselle, Strasbourg dans le Bas-Rhin, et Saint-Dié-des-Vosges dans les Vosges. Près de 7000 actes validés par 210 médecins traitants ont été réalisés depuis le début de l’expérimentation, qui arrive à son terme. Ce qui soulève des enjeux de continuité de prise en charge pour les résidents bénéficiaires mais aussi de capacité à valoriser ce modèle afin d’assurer sa généralisation dans le droit commun et sa diffusion dans les territoires.
Les 600 000 personnes résidant en Ehpad ont aujourd’hui 86 ans de moyenne d’âge$^{v}$ et souffrent de 8 pathologies$^{vi}$. Elles n’ont pourtant accès qu’à une seule consultation de spécialité par an$^{vii}$. Il y a beaucoup d’explications à cela. Une démographie médicale en berne, qui allonge significativement les délais d’attente. La difficulté pour les établissements à organiser et préparer ces rendez-vous : le taux d’encadrement en Ehpad n’est que de 6 infirmiers pour 100 places$^{viii}$, 63 % d’entre eux présentent des postes non pourvus depuis plus de six mois$^{ix}$. Sans oublier l’extrême pénibilité que représente un tel déplacement pour les résidents : 91% souffrent de limitations physiques, 68% des limitations cognitives$^{x}$.
La télémédecine est une solution naturelle, épargnant les déplacements, permettant à ces personnes de rester sur leur lieu de vie. Mais le modèle majoritaire de télémédecine autonome, seul devant un écran ou dans une cabine, ne peut convenir au médico-social. Seuls 7% des médecins téléconsultants l'ont fait avec un patient en Ehpad$^{xi}$. La réponse repose sur la télémédecine accompagnée, c’est-à-dire avec un professionnel de santé effecteur au chevet du patient, et interlocuteur qualifié et de confiance auprès des praticiens médicaux.
La formation et l’incorporation d’infirmières mobiles de télémédecine dans une organisation mutualisée plus large constitue ici l’innovation centrale. Celle d’une télémédecine hybride au plus près des patients. Lors des entretiens d’évaluation, 76% des médecins répondants et 100% des personnels en ESMS estiment que la présence de l’IDE est indispensable aux téléconsultations$^{xii}$. De leur côté, les IDE de la Policlinique Mobile font part d’un sentiment de légitimité et de valorisation de leur expertise. Le bien-être des résidents est protégé, comme le relate une infirmière coordinatrice (IDEC) « trente minutes après la consultation, ils sont à table avec les autres en train de jouer aux cartes. »